Avant de publier quelques chroniques très "touffues" de tournages passés et à venir, avec au passage le portrait de personnalités rencontrées, qui furent des piliers de Vaillant ou de Pif-Gadget (toutes époques confondues), une petite réflexion de rentrée au sujet des lecteurs.
Raconter un journal d'illustrés pour la jeunesse, c'est évidemment en creux une manière de raconter le contexte d'une époque, la philosophie ou l'idéologie qui animent les créateurs et auteurs, mais on peut également se dire que chemin faisant, on décrira le quotidien et le point de vue des lecteurs.
Or, j'ai constaté que la manière d'évoquer ces lectures d'enfance et de jeunesse, selon qu'on interroge des lecteurs de Vaillant de 1950, de Pif-gadget de 1970 ou du même journal en 1985, on obtient des ressentis très différents et une manière d'en parler qui aura autant de points communs que de divergences énormes.
A gauche : Vaillant en 1946 - à droite : Pif-Gadget en 1989.
En l'espace de 43 ans, un véritable bond quantique
dans le culture populaire destinée à la jeunesse !
Les débuts de "Vaillant" ne dérogeaient pas à cette règle implicite, avec ceci de différent (comparativement à la presse catholique familiale, dominante alors) que le journal se voulait également un démarquage affirmé des bandes américaines qu'il "pompait" pourtant allègrement, comme tous les autres illustrés français de l'époque (on en reparlera, car il y a beaucoup de choses à en dire et que l'évolution sera finalement plutôt à l'avantage de ce journal... !).
Quelques héros présentés par Vaillant en 1952... |
Les jeunes lecteurs des époques consécutives liront leur journal dans un contexte économique et culturel très différent, et leur manière de le lire et de s'en servir auront peu de choses en commun avec la génération précédente. Cette pratique de lecture suivra de près l'évolution de l'importance accordée par la société à ces loisirs d'enfance.
VAILLANTS et VAILLANTES...
Au lendemain de la Guerre, les enfants étaient une préoccupation particulière : ils représentaient l'avenir, la reconstruction du pays...
Un peu à la manière des Scouts, les comités du PCF avaient lancé les clubs des "Vaillants et Vaillantes", sous l'égide du journal. On y faisait du sport, il y avait des sorties "culturelles" et des ateliers... et on accompagnait aussi les adultes pour les défilés du 1er mai, comme on peut le voir sur cette image tirée d'archives audiovisuelles lors d'un défilé du 1er mai des années 50. (en plus, ils défilaient dans MON quartier... !) On reconnait très bien la forme stylisée du logo du journal ! :
J'ai eu l'occasion, en 2010, de rencontrer et d'interviewer un couple d'anciens lecteurs et... vendeurs des tout premiers "Vaillant", qui ont la particularité d'avoir connu le journal dès 1945 (ils le vendaient en culottes courtes, alors qu'ils faisaient partie des clubs "Vaillants et Vaillantes") et surtout, de s'être rencontrés dans le girond de ce journal... et ne plus s'être quittés pendant les 60 années qui ont suivi !
Cécile et Jacques, militants de la première heure, figureront évidemment dans mon film... ;-)
En 1945, dans la rue, Cécile et ses Vaillant...
En 2010, devant ma caméra : Cécile et son mari... toujours vaillants !
Cécile et Jacques évoqueront leur rencontre, mais aussi leur manière de "transmettre le flambeau" aux enfants et petits-enfants. Cécile m'a montré comment elle nouait son foulard des "Vaillantes" et m'expliquait à quoi servaient ces petits sacs à l'effigie du journal, destinés aux invendus... que les Vaillants et Vaillantes revendaient à la criée !
Georges Rieu, qui fut rédacteur en chef de Vaillant dans les années 60 et a imposé le tournant vers Pif-Gadget en 1969, me le raconte en interview dans le documentaire : lorsqu'il a souhaité progressivement abandonner les récits "à suivre", il épousait en réalité l'évolution des goûts et du rythme de la jeunesse de l'époque, qui n'avait plus la patience de ses aînés et voulait dévorer des aventures sans pour cela patienter plusieurs mois avant d'en connaître le dénouement.
Avec Pif-Gadget, l'hebdomadaire sera "tout en récits complets" et surtout, le journal se mettra progressivement à s'adapter, et même à partir du milieu des années 70, à singer et racoler le grand média qui dominera désormais l'essentiel des occupations de loisirs des enfants et des parents : la télévision.
Ce sera l'un des grands sujets du film, agrémenté de quelques pépites et archives dont je ne dévoile évidemment rien ici ...
A suivre !
(Très bientôt, les portraits vaillantesque de grandes "pointures" de l'histoire de Pif-Gadget, rencontrées pour le film... :-))